Incantation

Ah Monsieur ! Comme la nudité vous sied ! 
Votre corps sur ce drap allongé
Offert sans la moindre pudeur
A mon regard affamé de ces lignes si parfaites 
Qu'un jour vous empruntâtes aux statues grecques.

Ah Monsieur ! Comme la nudité vous sied ! 
Votre peau se soulevant à chaque respiration,
Votre bouche réclamant dans un gémissement
Le baiser que sans hésiter j'irai verser,
Sur votre ventre creusé par ce désir brûlant 
Que je sens sous mes doigts turbulents.

Ah Monsieur ! Comme la nudité vous sied ! 
Je naviguerai bateau pressé 
Sur vos flots déchaînés, 
Et malgré tous les avis de tempêtes
Je ne crains pas la violence des vents
Dans mes voiles
Ni la vague inondant mon rivage.

Ah Monsieur ! Nu je vous veux tout à moi ! 
Sous mes mains, sous mes yeux, dans mes bras, 
Tremblant, haletant sous le poids de mon corps, 
Affolé et perdant tout à coup la raison. 
Je vous veux implorant une ultime caresse
Je vous veux confessant que le diable
Enfin a trouvé sa diablesse ! 

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Jeune homme assis au bord de la mer, Hippolyte Flandrin (1809-1864)

Le baiser

Sur la fine cheville un mollet rebondit
Et la cuisse serpente vers une hanche large.
Elle aimera la douceur d'une main sur son rivage
Dans les flots de ses arrondis.

Autour de la taille son bras déploiera sa puissance
Chaîne accrochée à son ancre marine
Et du bout des doigts la courbure divine
S'offrira à sa belle impatience. 

Remontant ce courant turbulent
Au milieu de ces coquettes aspérités
Qu'un jour les dieux sur son dos ont posées
Sa main glissera dans son cou brûlant.

Et déjà la rondeur d'une épaule suppliante
Réclame le baiser de ses lèvres gourmandes. 
Soudain c'est un murmure échappé qui quémande
La caresse sauvage et insolente. 

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le baiser de rodin
Le baiser, Auguste Rodin

Au voyageur absent

Je t’écris ce soir mon amour
Au temps clair
Au temps lourd.
Sous le pont des plaisirs
J’écoute battre le désir,
Celui qu’hier glissait
Dans les torrents enfiévrés
De mes veines assoiffées.
Et ma chair se souvient
Et j’ai encore dans le creux de mes mains
Sur la peau le dos et les seins
Les cicatrices ardentes
De nos caresses impudentes
De nos diablesses luttes lentes.

Je t’écris ce soir mon amour
Au temps clair
Au temps lourd.
Et j’enrage de te savoir si loin
Quand j’ai tant besoin
De ta bouche et tes yeux et tes reins,
De ton sang criminel se mêlant au mien.
Alors je maudis la chaleur de la nuit
Et la fadeur du matin qui s’enfuit
Sans l’ivresse dernière qui apaise la faim.

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A l’orée des nuits

Allongée sur un lit de dentelles et d’épines
Sous la lune éphémère de nos joies libertines
L’onde lente bleu-grise de nos soirées légères
Glisse sur son corps qui se tord et se serre.
Mains furieuses avides et voyageuses sur ses collines
J’implore le baiser de la vénéneuse amante divine
Et me voilà esclave à genoux devant Messaline.

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charlotte wolter en messaline makart hans
Charlotte Wolter en Messaline, Hans Makart (1875)

L’anniversaire (4)

Le grincement à peine audible de la porte me ramena à la réalité de ma situation. À demi-nue sur ce lit dans une chambre d’hôtel somptueuse, quelqu’un venait d’entrer et de refermer derrière lui. Un vent glacé me traversa le corps. Une sueur brûlante lui succéda. Je distinguais à peine le pas qui s’avançait vers moi. Un pas lent et feutré, presque sourd, qui glissait sur le parquet avec la légèreté d’un danseur étoile du Bolchoï. Tant et si bien qu’il était impossible de savoir s’il s’agissait ou non du pas de mon mari. L’hésitation me gagnait. Qui était là derrière le rideau sombre de ce morceau de tissu qui cachait ma vue ? Qui avançait vers mon corps offert sur ce lit ? La tension était à son comble, parsemant mon corps de raideurs aiguës. Je n’entendais même pas le son d’une respiration tant la mienne était essoufflée. Il approchait. Il était là, à une main de ma peau.

Quand il fut assez près, je concentrai tout mon odorat à attraper du bout des narines, les effluves mélangés d’embruns et de terre chaude qui s’échappaient de mon mystérieux visiteur. Mon sang se figea dans mes veines, juste un instant. Ce n’était pas le parfum de mon cher Benjamin. Les battements dans ma poitrine redoublèrent. Ma main se leva, se dirigea vers le morceau de toile sur mes yeux. Mais avant que j’aie pu l’atteindre, je sentis une main grande, large et ferme, bloquer mon poignet. Si les effluves n’étaient pas celles de mon adoré, cette main-là avec sa force douce pouvait très bien être celle qui me caressait chaque nuit depuis des années. Je me sentais totalement impuissante, apeurée et fiévreuse, intriguée et désorientée. J’avais besoin d’un signe, d’une certitude.

Son souffle d’abord, puis ses lèvres sur ma joue, sur le bord de ma bouche et je le reconnus. Enfin ! Le doute n’était plus permis. Je laissais échapper son prénom dans un murmure languissant :

« Benjamin…

— Oui ma belle. »

Alors ses mains se mirent à divaguer sur mon corps, de mes épaules à mes cuisses, en revenant sur mon ventre et mes seins.

(retrouvez les épisodes 1, 2 et 3 dans la catégorie « Les billets roses »)

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L’éloge des seins

Ah Madame ! Vos seins ! 
Et leur douce rondeur
Et leur blanche candeur. 
Ah Madame ! Vos seins ! 
Ils sont faits pour mes mains. 

J'y passerais des heures, 
Des nuits entières à la timide lueur
De vos rougeurs agitées, 
Pour leur raconter
Combien ils font tout mon bonheur. 

Ah Madame ! Vos seins ! 
Et leur fine pudeur. 
Dans vos dentelles blottis 
Ils sont bien à l'abri.
Ah Madame ! 
Laissez donc ma main 
S'approcher de votre cœur
Pour un instant
Envelopper ce bijou dans son écrin. 

Ah Madame ! Vos seins ! 
Et leur belle chaleur
Et leur parfum de fleur. 
Ah Madame ! Vos seins ! 
Comme j'aime les caresser
Du bout des doigts les effleurer 
A pleine bouche les embrasser.
Ah Madame ! Vos seins ! 
Ils sont faits pour aimer.

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Les naufragés

La nuit s'habille de nos étreintes délurées
Et sous l’œil des souvenirs indiscrets
Nos bouches se délectent de nos chairs parfumées. 

Le lit chavire sous la houle agitée
De nos corps déchaînés, 
Et nous voilà vidés à bout de souffle
Naufragés. 

Dors mon amour, dors !  

La bougie n'en finit plus de brûler
Et sa cire coule, 
Coule encore le long du chandelier.

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L’anniversaire (3)

Une main accrochée à la barre en fer forgée du baldaquin, j’ôtai un à un mes escarpins. En tombant le talon claqua sur le parquet. Puis j’accrochai la fermeture éclair de ma robe pour la faire glisser jusqu’à la hanche. La bretelle gauche tomba. La droite l’imita. Les mains sur la taille, la poitrine serrée dans le satin pourpre, je restai là un instant devant ce lit encore vide, encore froid. Je finis de retirer ma robe et je fis quelques pas sur moi-même. Mon regard s’arrêta sur le lit, se tourna vers le fauteuil, observa le ruban. Le ruban. Le lit. Le ruban. Le lit. Le ruban. Je m’en emparai et m’avançai vers ce lit. Je m’assis au bord. J’enroulai le morceau de tissu autour de ma tête et m’allongeai sur le dos. Je ne savais plus quoi faire de mes bras. Je les gardais étendus le long de mon corps, puis l’instant d’après je les croisais sur mon ventre. De la main gauche, je caressai mon épaule droite puis redescendis dans le cou jusqu’à la naissance de mon sein. Sous mes doigts, la dentelle et le satin se faisaient tisons ardents. L’atmosphère était oppressante. Je me sentais à l’étroit dans ce soutien-gorge qui freinait le déploiement de ma respiration haletante. Je devinais ma peau se colorant sous l’effet de l’excitation qui devenait de plus en plus intolérable. Et Benjamin qui n’arrivait pas !

Plongée dans la pénombre derrière ce ruban, je ne pouvais plus compter que sur mes autres sens. Serait-ce son pas que j’entendrais le premier ? Son parfum qui naviguerait jusqu’à mes narines ? L’impatience me gagnait. Les secondes défilaient et semblaient de longues et interminables tortures. Les yeux fermés derrière mon ruban, déjà esclave de mon propre désir, j’imaginais Benjamin. Ses mains longues et larges, douces et assurées. Ses doigts s’emmêlant dans mes cheveux. Ses étreintes franches et affamées. Son souffle au-dessus de ma bouche et ses lèvres m’effleurant à peine. Le bout de sa langue glissant, imperceptible caresse, de ma joue à mon cou.

Ah ! Le démon ! Il donne et il reprend. Il habille l’envie, la fait naître et grandir. Il la maquille de tous les artifices. Il touche. Il frôle. Il empoigne. Il serre. Il embrasse. Il navigue. Il attrape. Il desserre. Il s’éloigne. Puis il revient à la charge, plus sulfureux encore. Il est intenable et irrésistible. Et moi, je suffoque. Je rougis. Je m’agace. Je m’essouffle. Je réclame. Je supplie.

(à suivre…)

Retrouvez les épisodes 1 et 2 dans la catégorie Billets roses.

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