Renaître

J'ai perdu mon temps en futilités
Vendu des assurances vie
Répondu à des appels d'offres
Inventé des slogans mauvais
Rempli des cases
Tracé des lignes.
         Ce matin c'est décidé ! 

En ouvrant les volets
Le bouquet de marguerites était là
         Planté
Au milieu des herbes sèches.
Il se dressait fier et droit
Sa corolle de mariée
Son cœur de citron
Sous un ciel sans nuages.

J'ai respiré
Toutes ailes déployées
Gonflé les poumons
Ouvert grand les bras
Le soleil était franc
Il me regardait.

         Ce matin j'ai décidé ! 

Je n'ai plus de temps pour les futilités
Le temps qui vient
Celui qui reste
Est trop précieux. 
Je le consacrerai désormais
A l'important, à l'essentiel
A ce que la vie fait de mieux.

Je passerai des heures avec les papillons
Coulerai des après-midi entières
Dans le gai piaillement des oiseaux
Lirai du soir au matin
Les cent et un ouvrages
En retard et relirai tous les autres
La prose de Zweig, de Fitzgerald
La poésie de Plath, de Dickinson, de Tsvetaïeva.

Je marcherai longtemps par les sentiers
J'irai voir la mer
Me barbouillerai la tête de ses bleus
Azur turquoise et indigo.
Je reviendrai à la nuit tombée
Après m'être enivrée de guitares flamencos
Je passerai par les ruelles brûlantes
De juillet. 

Je dormirai toutes fenêtres ouvertes
         Bercée
Par le coassement des rainettes
Par le ululement de la chouette
Je laisserai le matin s'infiltrer par les persiennes
Ma peau à la caresse du soleil montant
J'enfoncerai dans les coussins mon visage
Encore ensommeillé et tout pâle
Je me régalerai des premières vapeurs
Du café chaud et fumant.

Rien ne sera jamais plus inutile
         Fut-il.
Chaque nuit verra poindre une lune nouvelle
Dans les draps blancs parfumés
D'épis de lavande. 
Chaque jour s'offrira en cadeau 
Sur le seuil de la porte
Frappera le rayon joyeux
         Des saisons
De printemps en hiver
D'automne en été
L'étendue de mes rêves
Sera le chemin.

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