Je me souviens que l’amour est passé

Je me souviens que l’amour est passé, qu’il a vécu un temps auprès de moi. Ses yeux me frôlaient avec une infinie tendresse. Ses bras m’enveloppaient et ils étaient l’abri le plus sûr. Je m’ouvrais à lui avec la candeur de mes vingt ans, et je croyais à l’éternité. Il était cette éternité. Je l’attendais chaque soir, telle Pénélope soupirant le retour d’Ulysse. Je passais mes journées à me languir de la chaleur de son corps. Je guettais ses pas dans l’escalier. Je retenais mon souffle dès que j’entendais la clé tourner dans la serrure. Je me précipitais pour me pendre à son cou dès qu’il apparaissait. Il était la lumière, le sauveur, le gardien de mes jours, de mes nuits, de ma vie tout entière. Il était le père, l’amant, l’ami, le frère. Il était la potion, le remède contre les blessures du passé.  Je respirais au rythme des battements de son cœur. Dans le silence je me berçais de la cadence de son souffle. Mon existence était arrimée à la sienne. A ses côtés tout n’était qu’évidence. Je n’avais plus besoin de rien puisqu’il était là, puisqu’il veillait sur moi, puisqu’il m’aimait.

Je ne voyais que par lui. Je ne vivais que pour être auprès de lui. Ma vie avait désormais un sens parce qu’il y avait posé ses pas. Pour lui j’oubliais tout. La seule chose qui importait était d’être là où il était. Et je n’avais de cesse de réclamer ses bras autour de moi, de me presser contre son corps, d’en aspirer toute la chaleur. Tout le jour j’attendais le soir pour retrouver cette proximité ultime que seule l’intimité de la nuit offre aux amants. Je n’imaginais pas m’endormir d’une autre manière que ma peau collée contre sa peau, que mon corps épousant son corps, que mes mains accrochées à son bras, à sa taille. Après l’amour, que de fois il m’a recueillie, m’accordant un instant de plus, me laissant m’endormir la tête enfouie dans son épaule, mon ventre scellé à sa hanche, ma main posée sur son sexe. Nos chaleurs ainsi mêlées nous laissaient le corps ruisselant. Il tentait parfois de s’échapper me croyant enfin partie dans un sommeil lointain, s’éloignant de ma peau en quête de quelque fraîcheur. Mais je ne lui concédais aucun répit, et s’il lui prenait l’idée de s’écarter de moi, de me tourner le dos pour reprendre son souffle, mes seins se pressaient contre lui, mes mains réclamaient de nouveau, mes reins repartaient à l’assaut. J’étais avide de la moindre parcelle de sa peau. Je l’aimais à en crever.

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