Des sourires et des ombres

Hier soir, j’ai croisé un sourire. C’était étrange. Voilà si longtemps que je n’avais pas vu un sourire. Un vrai sourire. Franc. Amical. Chaleureux. Depuis des mois, je ne croise plus que des faces bleues. Au-dessus d’elles des regards indifférents ou fuyants, quand ils ne sont pas tout simplement masqués par des lunettes de soleil, même en hiver.

Ses yeux ont souri à mesure que sa bouche s’élargissait sur ses joues. Chaque pli de sa peau semblait sourire avec elle, révélant une fossette sous ses pommettes saillantes, une autre sur le bord de ses lèvres, jusqu’aux ridules encadrant son regard. Ce visage, si lumineux et jovial, m’apparaissait tout à coup comme une révélation, alors qu’au fond, il ne faisait qu’envoyer des signaux d’un ancien genre humain brusquement retrouvé.

Et quelle merveilleuse brusquerie que celle-là ! Si les convenances les plus élémentaires m’avaient été inconnues, je me serais jetée à son cou pour l’embrasser comme du bon pain, ce sourire qui portait en lui l’histoire éternelle de l’humanité.

© Tous droits réservés

Il y a ceux… et puis ceux-là aussi

Il y a ceux qui vivent sous le même toit. Ceux qui se croisent dans la cuisine, dans le salon. Et puis ceux qui dispersent l’amour de l’entrée à la chambre. Il y a ceux qui partagent le même lit. Ceux qui n’y font que dormir. Et puis ceux qui en font un havre de plaisir. Il y a ceux qui se parlent, mais ne s’entendent pas. Et puis ceux qui devinent dans un murmure. Il y a ceux qui regardent autour et partout sans plus rien voir. Et puis ceux qui s’émerveillent chaque jour de le voir, de la voir, là. Il y a ceux qui se pensent tout le jour et s’aiment toute la nuit. Et puis ceux qui s’oublient un peu plus à chaque heure qui passe. Il y a ceux qui ne sortent que les jours de grand soleil. Et puis ceux qui se tiennent par le bras, serrés, sous un parapluie. Il y a ceux qui ne vivent que les instants heureux. Et puis ceux qui avancent main dans la main quand la vie fait mal. Il y a ceux qui se jurent sans conscience d’inutiles serments. Et puis ceux qui inventent au fil de l’eau leur présent et leur demain.

Oui, il y a ceux-là. Et puis ceux-là aussi.

Il y a Bastien et Nathalie. Et puis Luc et Marc. Il y a aussi Ahmed et Marie. Et encore Nadia et David. Et il y a aussi Claire et Lucie. Et puis Diouma et Mika. Et il y a Chang et Natacha.

Oui, il y a ceux-là. Et puis les autres. Et puis eux. Et puis nous aussi.

© Tous droits réservés