Hier soir, j’ai croisé un sourire. C’était étrange. Voilà si longtemps que je n’avais pas vu un sourire. Un vrai sourire. Franc. Amical. Chaleureux. Depuis des mois, je ne croise plus que des faces bleues. Au-dessus d’elles des regards indifférents ou fuyants, quand ils ne sont pas tout simplement masqués par des lunettes de soleil, même en hiver.
Ses yeux ont souri à mesure que sa bouche s’élargissait sur ses joues. Chaque pli de sa peau semblait sourire avec elle, révélant une fossette sous ses pommettes saillantes, une autre sur le bord de ses lèvres, jusqu’aux ridules encadrant son regard. Ce visage, si lumineux et jovial, m’apparaissait tout à coup comme une révélation, alors qu’au fond, il ne faisait qu’envoyer des signaux d’un ancien genre humain brusquement retrouvé.
Et quelle merveilleuse brusquerie que celle-là ! Si les convenances les plus élémentaires m’avaient été inconnues, je me serais jetée à son cou pour l’embrasser comme du bon pain, ce sourire qui portait en lui l’histoire éternelle de l’humanité.
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