La vieille dame et le jean-foutre

Que la minorité présidentielle ne vote pas la motion de censure, passe encore. Les caniches ont un sens du courage tout relatif. Bien qu’il y ait eu du panache, dans un tel contexte social, à relever la tête et à dire stop, même si, et ne nous y trompons pas, Élisabeth Borne n’est qu’un petit valet sans envergure qui exécute les volontés de son maître ; sa démission ne changerait pas grand-chose à l’affaire. Mais que les opposants fassent le dos rond en attendant que la tempête passe, alors ça, ça c’est vraiment un comportement de couard. Ils (les députés du groupe LR) voulaient sauvegarder les institutions de la Ve en ne votant pas cette motion de censure ? Ils sont sans doute ceux qui vont aider le pouvoir en place à précipiter sa chute. Vous me direz, tous ne font que pousser une vieille dame qui déambule, chancelante, au bord d’un gouffre.

Le régime de la Ve République a été écrit pour un homme, pas pour un pays. Charles de Gaulle, quoi qu’on en pense, était d’une stature tout autre qu’un Macron, un Hollande ou un Sarkozy. C’est sans doute le péché originel de ce régime semi-présidentiel devenu définitivement présidentiel avec l’élection du président de la République au suffrage universel en 1962, et aujourd’hui autocratique avec le quinquennat, l’inversion du calendrier électoral, le détournement manifeste des outils initiaux de la Constitution de 1958, la lâcheté crasse des garants du respect des institutions et des libertés publiques, et enfin la pratique du pouvoir totalement débridé d’un Macron hors-sol, bouffi d’orgueil qui se fout éperdument de la France et des Français.

La Ve République a 65 ans cette année, autant dire que l’heure est venue de la mettre à la retraite. Macron quant à lui est un jean-foutre dangereux qui va pousser le pays à bout, jusqu’au soulèvement final.

© Tous droits réservés

Et qu’advienne le chaos !

Cinq ans n’ont visiblement pas suffi. Il faut que le chaos social et économique soit total, que la pauvreté s’étende, que les classes moyennes qui parviennent encore à vivre s’appauvrissent assez pour en être réduites à la survie, que leurs enfants soient convaincus que leur vie sera bien pire que celle de leurs parents, que les libertés publiques soient définitivement jetées aux ordures, que les libertés fondamentales ne soient plus qu’une légende, que manifester devienne si dangereux que plus un seul français ne se risquera à sortir avec une pancarte, une revendication ou le moindre signe distinctif qui pourrait le désigner comme opposant. Il faut que le pouvoir cogne plus fort, qu’il réprime, qu’il arrête, qu’il assigne, qu’il engeôle, qu’il éborgne par centaines.

Il faut que chaque geste du quotidien soit enregistré, surveillé, numérisé, que plus rien de nos vies n’échappe à un drone, une caméra de surveillance ou un QR code. Il faut que nos existences même soient encadrées, guidées, que la voie soit tracée, que pas une seule brebis ne puisse s’égarer. Il faut renforcer les restrictions, les interdictions, multiplier les procès en illégitimité, disqualifier encore plus durement toute pensée déviante. Il faut, à défaut de les brûler, rejeter les hérétiques, les ostraciser, les exiler dans les marges, en dehors de la société du bien. Il faut que toute expression non conforme, non validée, non autorisée soit, non pas censurée, mais juste impossible à énoncer.

Il faut que la grande famille des oubliés, des opprimés, des miséreux grandisse encore un peu, que tous ceux qui sont à quelques mètres du gouffre s’en rapprochent pour le voir de plus près, que tous ceux qui sont au bord y tombent. Il faut que ce qu’il reste de protection sociale soit éradiqué, que chacun tremble pour son statut, son emploi ou son allocation, que tout sans exception devienne précaire, qu’à tout instant, chacun puisse se dire qu’il va peut-être basculer dans le camp de la pauvreté. Il faut que les déserts médicaux s’étendent à perte de vue, que les hôpitaux redeviennent les hospices qu’ils étaient au XIXe siècle, que l’école publique ne soit plus qu’une garderie pour les enfants des pauvres tandis que les autres paieront pour instruire les leurs, que les universités deviennent payantes afin que les classes moyennes n’aient plus accès à l’enseignement supérieur, comme c’est déjà le cas des enfants des classes populaires.

Il faut, en somme, que chacun vive dans sa chair la souffrance et la terreur de tout perdre, car jamais rien ne remplacera l’expérience vécue. La perspective du chaos n’est pas suffisante. Seule sa réalité matérielle peut produire une réaction. Il faut donc qu’il soit réélu et que nous crachions du sang !

© Tous droits réservés