Recrute-toi toi-même !

Dernièrement, dans le cadre d’un recrutement, un employeur m’a demandé de me soumettre à l’un de ces nombreux tests de personnalité dont j’ignorais qu’ils étaient encore utilisés en 2022 pour départager les postulants à l’emploi. La dernière fois que j’ai été priée de me prêter à ce genre de comédie, c’était au tout début des années 2000. Je m’étais alors, très calmement, levée de la chaise où j’étais assise, avais tendu sa liasse de papier à la recruteuse que j’avais face à moi et lui avais simplement dit : « Je vous remercie, mais ce sera sans moi. Au revoir ».

Cette fois-ci, la demande me fut adressée par mail. Il s’agissait de remplir un obscur questionnaire à choix multiple pour savoir si j’étais plutôt « juste » ou « impartial », « analytique » ou « systématique », à moins que je ne sois davantage « juste » et « systématique » ou encore « impartial » et « analytique »,  « rapide » ou « méthodique », « réservé » et « vigilant » ; l’idéal étant, à n’en pas douter, d’être « rapide » et « méthodique », productivité oblige.

Mon premier réflexe fut de prendre ma plume, ou plus exactement mon clavier, pour écrire. Il semble évident désormais, et alors que depuis ma plus tendre enfance tout est prétexte à coucher les mots sur le papier ou sur l’écran, qu’écrire est ce qui m’est le plus naturel, aussi naturel que respirer, dormir ou manger. J’ai donc écrit une première réponse à cet individu qui avait en tête de sonder ma personnalité avec quelques adjectifs mal alignés sur une feuille de papier.

Je vous la livre ici :

Monsieur,

Je vous remercie de l’intérêt que vous semblez porter à ma candidature. Cependant, je ne répondrai pas à votre test de personnalité. Je suis d’ailleurs assez surprise que pareille méthode de recrutement soit encore utilisée en 2022, qui plus est pour un poste d’exécution, à temps partiel et rémunéré au SMIC. Quoi qu’il en soit, je ne me prêterai pas à ce genre de test. Je n’ai à vendre que des compétences professionnelles.

Je vous souhaite bonne chance dans votre recrutement et ne doute pas que vous trouviez des candidats et candidates plus dociles (ou aux abois) pour se soumettre à ces méthodes d’un autre âge.

Cordialement,

Après quelques minutes de réflexion, me prenant au jeu des mots, je me suis mise à écrire une seconde réponse aux accents plus insolents, que je vous propose ici :

Monsieur,

Je suis touchée par l’intérêt que vous semblez porter à ma candidature. Aussi, et plutôt qu’un simple test, qui ne sera jamais assez complet et précis pour mesurer l’ampleur de ma personnalité, je me propose de vous adresser ma dernière expertise psychiatrique.

Mais j’y pense, et c’est votre demande qui m’y fait penser pour être tout à fait exacte, j’aimerais moi aussi en savoir beaucoup plus sur la personne pour laquelle je suis susceptible de travailler. Aussi, je vous serais reconnaissante de me retourner également ledit test de personnalité dûment rempli. De mon côté, je contacte immédiatement le Dr Freud pour obtenir le duplicata de ma dernière expertise et vous l’adresse au plus vite. Je vous adresserai également celle du Dr Lacan, qui diffère assez largement de celle de son confrère, afin que vous ayez une vision à 360° sur les tréfonds de mon âme.

Cordialement,

Après m’être amusée à composer ces deux textes, j’ai longuement hésité entre ignorer ce mail – le silence étant l’expression la plus parfaite du mépris – ou envoyer l’une ou l’autre de ces réponses bien peu protocolaires.

Et vous, dites-moi, que feriez-vous ?

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