Mourir n’est rien quand vivre fut tout

Le ronron du quotidien m’exaspère, me rend folle. Folle de rage. J’ai envie de hurler, de pleurer, de courir, de m’enfuir, de sauter dans le vide, d’exploser en plein vol ou de m’enfoncer dans les entrailles de la Terre. J’ai envie d’entendre mon cœur tambouriner, se serrer dans un spasme violent, sentir tout mon corps vivre, vivre vraiment, pas à demi, pas mollement. Je veux bien même avoir mal s’il le faut. La douleur qui enflamme l’âme plutôt que la tiédeur pâle et insipide d’une vie sans relief. Je veux bien plonger tout au fond, me laisser couler jusqu’à m’y perdre, et dans les tréfonds de la mélancolie trouver la délivrance. Je veux bien mourir dans un an, dans un mois, une semaine ou un jour, mais pas sans avoir vécu, pas sans avoir senti et ressenti dans la chair et par tous les pores de la peau le déchaînement des sens, la frénésie de la vie qui déferle dans les veines tel un fleuve qui sort de son lit et emporte tout sur son passage, déracine les arbres, décroche les toits des maisons et couche chaque barrière, chaque pylône, chaque obstacle se dressant sur sa route. Je veux mourir d’avoir trop vécu, mourir d’avoir trop aimé, trop admiré, trop éprouvé toutes les secondes comme si chacune était unique, mourir jeune et en bonne santé, mourir foudroyée par la beauté !

Mourir vivante.


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